vendredi 8 août 2025

L'Événement (littéraire)

Impressions de lecture sur L’Événement d’Annie Ernaux (2000). Le livre n’a lui-même pas de structure claire, mon compte-rendu se présente semblablement sous forme de notes éparses, prises au fur et à mesure.

Photo sur la couverture d’une actrice classiquement belle au visage inaffecté, sans rapport avec l’autrice, l’histoire.

Les mois qui ont suivi baignent dans une lumière de limbes, p. 24. Comment ne pas voir une description du milieu utérin, baigné d’une lumière vitreuse, opaque, ainsi que l’évocation malicieuse du séjour des enfants morts sans baptême où échouent les enfants avortés selon la théologie catholique.

Je sais maintenant que je suis décidée à aller jusqu’au bout, quoi qu’il arrive, de la même façon que je l’étais, à vingt-trois ans, quand j’ai déchiré le certificat de grossesse, p. 26. L’avortement génère un enfantement littéraire.

Pour penser ma situation, je n'employais aucun des termes qui la désignent, ni « j'attends un enfant », ni « enceinte », encore moins « grossesse », voisin de « grotesque ». Ils contenaient l'acceptation d'un futur qui n'aurait pas lieu. Ce n'était pas la peine de nommer ce que j'avais décidé de faire disparaître, p. 301. Surtout, il est plus commode, pour ne pas penser à l’être humain qui gît en elle, d’être le plus vague possible, de flouter la réalité, de dénier au fruit de la conception sa qualité d’être humain, ce qu’il est indéniablement.

Dans l'agenda, j'écrivais : « ça », « cette chose-là », une seule fois « enceinte ». Dans le livre, elle emploie une autre expression : « le malheur » : cette femme (la faiseuse d’anges), la seule personne alors capable de faire passer le malheur (p. 77). L’enfant à naître est assimilé à un malheur.

Plus loin, elle le réifie en le comparant à un poupon : Cela a jailli comme une grenade, dans un éclaboussement d’eau qui s’est répandue jusqu’à la porte. J’ai vu un petit baigneur pendre de mon sexe au bout d’un cordon rougeâtre. Je n’avais pas imaginé avoir cela en moi (p. 100). On dirait une poupée indienne (p. 101). Devant moi flottait un petit baigneur blanc comme ce chien dont le cadavre jeté dans l’éther continue de suivre les astronautes dans un roman de Jules Verne (p. 117).

Elle s’animalise aussi : J’étais une bête (p. 101) ; j’avais mis bas moi aussi (p. 114).

jeudi 16 janvier 2025

Bien sûr ?

Après la messe en hommage à Jean-Marie Le Pen à Notre-Dame du Val-de-Grâce, Marion Maréchal a prononcé un discours tonitruant qui jurait un peu dans cette enceinte sacrée. Il tenait plus de la harangue de meeting survolté que du mot de la petite-fille endeuillée.

Une parole en particulier m'a fait tiquer :

« Alors, bien sûr (...) tu n'étais pas un saint. »

Comment ça, bien sûr ? Nous sommes tous appelés à la sainteté, dit l'Église. Un saint est une personne qui jouit du bonheur céleste.

Quand on a dit de quelqu'un qu'il n'était pas un saint, on n'a rien dit de bien sur son compte. Être un saint ne signifie pas être un ange, un pur esprit, et ne jamais commettre de faute.

Plus haut, elle dit qu'il a fait ce qu'il a pu. Ceci rachète peut-être cela. Un saint, c'est quelqu'un qui a fait de son mieux avec le secours de la grâce divine.



lundi 9 décembre 2024

La part du rire

Le Pen n’aura été au fond qu’un tribun de kermesse talentueux. Mais dans le désert de l’éloquence qu’est devenu le paysage politique français, il faisait figure de ténor. Le Pen aura été un sympathique pétomane, dont les éructations nauséabondes satisfaisaient peut-être chez lui le goût de choquer le bourgeois (il n’est pas loin, l’étudiant potache, ou le fils du peuple amusé de son ascension sociale).

Il dégage malgré tout une certaine bonhommie, une bonne humeur positive qui lui a permis de traverser allègrement les vicissitudes de la politique et de la vie. La haine consume la santé. Le naturel jovial et bon vivant de Jean-Marie Le Pen le maintinrent en forme longtemps.



jeudi 24 octobre 2024

Les cathédrales sont des maisons du peuple

La tarification de l'accès à Notre-Dame de Paris fait parler, à raison. Vouloir réserver la gratuité aux seuls offices religieux revient presque à réduire les messes à des actes machinaux, à des manifestations extérieures de piété sociale, à des « services religieux » en somme. La messe doit pouvoir être dite sur des autels latéraux, à l'improviste, par un abbé de passage, pour répondre à un imprévu.

Réserver la gratuité aux seuls « fidèles qui viennent prier » n'est pas moins difficile à mettre en place. D'abord, qu'est-ce qu'une prière ? Se laisser émerveiller par l'art religieux, c'est déjà prier, c'est déjà approcher Dieu.

On oublie dans tout ça que les églises sont des instruments d'évangélisation. Les muséifier, c'est les détourner de leur usage primitif, les dénaturer. C'est un pas vers la désacralisation.


dimanche 29 septembre 2024

Le pape se fait chapitrer par des clercs universitaires

Le pape François est venu en Belgique à l’invitation de l’université de Louvain dédoublée qui fête bientôt son six-centième anniversaire. Il s’est fait chapitrer par les clercs universitaires louvanistes et néolouvanistes vendredi et samedi. Ceux-ci lui ont reproché entre autres le « manque d’inclusivité » de l’Église qui n'admet pas les femmes à la prêtrise ou à la dignité épiscopale, cardinalice, papale. Le pape a répondu en traitant d’idéologiques ces revendications, et en développant l'idée d'une mystique féminine supérieure au ministère masculin.

Une visite du pape en France n’aurait pas eu le même intérêt, la séparation nette, étanche entre l’Église et l’État ne permettant pas ce genre de démêlés publics.


samedi 17 avril 2021

Si Versailles reprenait du service...

En jetant un coup d’œil aux cérémonies qui accompagnent le trajet du prince consort vers sa dernière demeure, une idée me traverse l'esprit : quel dommage que les palais et châteaux français muséifiés ou usurpés par la République ne soient pas rendus à leur destination première. Si Versailles reprenait du service... Depuis la chute de la monarchie, l'industrie du luxe française (entre autres) est orpheline. Restaurons la monarchie pour redorer le blason de L.V.M.H., et donner à Bernard Arnault ses lettres patentes de fournisseur de la Cour.


mardi 13 avril 2021

Brimades bureaucratiques

Commentaire (légèrement amendé) laissé en dessous d'un article de M. Tandonnet aujourd'hui :

« brimades » : c'est le mot. Certaines mesures, injustifiées, paraissent presque vexatoires. En Belgique, les musées sont ouverts sur réservation. On comprend mal, vu l’importance de la culture en France (et peut-être particulièrement en ce moment), comment les salles peuvent rester complètement vides, désertées. Que les musées soient soumis au même régime que les restaurants, ça n’a pas de sens. Pareil pour les plages solitaires...

En Belgique, il n’y a jamais eu de restriction kilométrique pour les déplacements — seulement, depuis quelques mois, une interdiction de quitter le territoire national sauf motif impérieux, ou d’autres interdictions ponctuelles. Qu’en France, lors du premier confinement, le périmètre autorisé fût le même pour un habitant de Paris et le gardien d’un refuge de haute montagne, là encore, c’est absurde.