Mais l'ouvrage ne se limite pas à la description d'ébats et de débats préliminaires. L'auteur a des velléités de sociologue et il nous livre quelques commentaires pontifiants sur le catholicisme dont il prétend avoir pénétré les mystères. On a aussi droit à des portraits (voire des fresques) psycho-sociologiques d'une grande finesse, brossés à grands traits rageurs. Parfois, la caricature confine à l'absurde, comme ici, à la fin d'une caractérisation très subtile de l'espèce « catholique traditionaliste » (aussi appelée, avec une grande profondeur de vue, « catho facho ») :
Elles sentent la condamnation sans appel des pauvres, des exclus, des immigrés, des avortées.
On peut hypothétiquement concevoir que des catholiques mal inspirées et mal catéchisées en viennent à confondre l'acte peccamineux avec les personnes qui l'ont commis, mais alors il aurait fallu écrire « des avorteurs » ou « des avorteuses ». Or, comment des catholiques anti-avortement pourraient-elles condamner des embryons ou des fœtus avortés (qui plus est, de sexe féminin) ?
Mais le plus fort, dans tout ça, c'est que ce livre pourrait très bien servir à l'édification religieuse des lecteurs. Après cet égrenage fastidieux d'ébats de plus en plus fatigués, je n'étais pas mécontent que le narrateur se fasse un peu sermonner par une religieuse. Celle-ci avait surpris les mots de la dernière victime d'Étienne, dans la cuisine.
S'engage un petit échange de vues :
— Pourquoi résister, pour qui ?
— Mais pour donner une valeur aux relations humaines ! L'amour, vous connaissez ce mot ? L'amour qui transcende la sexualité et donne toute sa valeur à l'acte…
— L'amour, cet infini à la portée des caniches…
— Je connais la formule, Étienne. Vous vous prenez pour un loup, c'est ça ? Il vous faut de la viande fraîche tous les jours ?
Mais, quand après qu'Étienne a encore énoncé quelques clichés éculés, la nonne se tait et, d'une seule main, passe aux actes, j'ai été passablement surpris. Épuisé, le narrateur s'avère impuissant à répondre à ses sollicitations et la religieuse ironise : « Alors, c'est ça, votre Tout-Puissant ? Déployez-le, Étienne, faites-le sortir des nuages, déclenchez la foudre et le tonnerre ! » Piteusement, il finit par lâcher : « Si vous me laissez du temps, je suis sûr que… — Du temps, nous en avons, nous autres catholiques, parce que notre Amour est éternel ! Mais pas vous, Étienne. (…) Je veux que vous partiez. Maintenant. »
Plus tard, le narrateur se désole de n'avoir pas su se montrer à la hauteur face à la religieuse (qu'il convoitait pourtant de préférence à celle qu'il a finalement choisie), « ne serait-ce que pour lui montrer qu'elle avait tort ». L'orgueil, nous y voilà, ce péché capital, encore pire, nous dit l'Église, que les péchés de chair.