jeudi 23 novembre 2017

« ne nous induis pas en tentation » 2

Voici un commentaire que je viens de soumettre à l'imprimatur de l'abbé de Tanoüarn sur son blogue, concernant les spéculations fumeuses de R. Enthoven, suscitées par la nouvelle traduction du « Notre Père » :

Que pensez-vous de l'expression « ne nous induis pas en tentation », qui n'a pas emporté les faveurs du comité de révision ? Le seul prétexte allégué est que « le sens du verbe "induire" n’est plus suffisamment "courant" pour être d’un usage clair ».
Mais ce motif me semble bien léger... La langue employée dans l'exercice du culte doit être différente de l'usage qui en est fait dans les circonstances plus triviales de la vie courante.
D'ailleurs, à l'usage, répétée par des millions de bouches francophones, cette expression deviendrait courante, justement. (Je me cite.)
Et contrairement à « entrer en tentation », l'expression « induire en tentation » n'est pas une innovation langagière. Elle est dûment consignée dans les dictionnaires, illustrée par de nombreux auteurs, etc. (Elle ne sort pas seulement de l'esprit tourmenté de quelques théologiens linguistes.)

L'interrogation de M. Enthoven, et son interprétation à côté de la plaque (et potentiellement malveillante) ne viennent pas de nulle part.
Dans les autres langues on n'éprouve pas le besoin de retraduire aussi souvent cette formule.
« ne nous induis pas en tentation », c'est ainsi que l'on pourrait traduire la formule utilisée en anglais, en allemand, en néerlandais, etc.

Est-ce à dire que la traduction latine de Saint Jérôme, patron des traducteurs, était fautive et hétérodoxe ?

Les francophones seraient-ils les seuls, en 2017, à bénéficier d'une traduction fidèle et satisfaisante ?

jeudi 16 novembre 2017

Queneau et l'écriture « inclusive »

L'écriture inclusive détruit systématiquement le potentiel créatif de la langue française.
Pour mieux comprendre, voyons comment Raymond Queneau joue avec la grammaire du français. Au lieu de bousculer la langue, de la forcer, il la manie délicatement, comme un instrument de musique. Voici deux exemples où se manifeste avec éclat son art de littérateur :
Il écoutait attentivement les remarques, les interjections, les plaisanteries, les jurons, les brocards. Il y ajoutait les siens et les siennes. (Les Derniers Jours)
L'emploi conjoint des deux genres a toute sa place. Le personnage (aveugle) ne manque pas une occasion de mêler sa voix au concert général, compensant sa cécité par une langue bien pendue.
Dans cette foule, il y avait des êtres exceptionnels et merveilleux, mais aucune relation possible ne pouvait s'établir entre elles et lui. (idem)
Le genre sert ici à marquer la différence entre l'idéalisme du personnage (peut-on un mot plus asexué que le mot « être », dont le genre a évidemment une valeur de neutre ?) et son manque de connaissance pratique du sexe opposé (autrement nommé « le beau sexe », ou encore « le sexe » tout court, jolie collection d'expressions sexistes). Paralysé dans son commerce avec les femmes par son manque d'expérience et son idéalisation du beau sexe, le jeune homme préfère rester assis à rêvasser.


L'article consacré à Raymond Queneau dans le Dictionnaire encyclopédique de la littérature française note à la fois son inépuisable créativité, ses recherches sur le langage, notamment à travers l'Ouvroir de Littérature Potentielle, la place essentielle qu'occupent les personnages féminins dans son œuvre (« éléments moteurs des romans qu'elles habitent ») et son imperméabilité aux modes. Qu'aurait-il pensé de cette initiative inepte et barbare qui dénature le langage en y important les névroses du temps ?

lundi 6 novembre 2017

Le roi bourgeois

J'en rajoute une couche sur la monarchie :

Vous avez raison : nous sommes à l'époque du sujet roi. Voilà pourquoi je pense qu'un roi bourgeois, un roi citoyen, ne serait pas de trop et ne déparerait pas le tableau. Tous les rois et reines de notre époque sont, à des degrés divers, des monarques bourgeois, mais ce qu'ils gardent de transcendance est un gage de stabilité, une garantie pour l'avenir. Pour mettre fin à l'idolâtrie déplacée du président de la République, suivie de crises d'iconoclasme, il est urgent de rétablir la monarchie.

N'est-ce pas frappant ? Les familles régnantes mènent des vies beaucoup plus réglées, normales que la plupart de nos dirigeants politiques déconnectés. Malgré leur position, en haut de la hiérarchie sociale, les familles royales vivent plus bourgeoisement que l'aristocratie hors-sol qui gouverne. Elles renvoient une image de domesticité rassurante, qui contraste avec les vies tumultueuses de nos élites.



Louis Capet enfin vengé !

Voici un nouveau commentaire déposé en dessous d'un article de M. Tandonnet (décidément stimulant) :

Votre esquisse de constitution présente d'indéniables avantages sur le système actuel. J'aime l'idée que le président de la République soit relativement étranger au milieu politique. Mais j'irais un peu plus loin, car la seule manière d'être un président au-dessus des partis (et complètement étranger aux cabales, manœuvres, intrigues de palais et autres combinaisons mesquines), c'est d'être un monarque héréditaire. Un monarque héréditaire sera toujours moins vaniteux qu'un président élu.

(En plus, seule la monarchie héréditaire pourrait assurer une forme de continuité historique avec les mille ans d'histoire qui nous précèdent. Que pensez-vous d'un roi qui descendrait du régicide Philippe Égalité, en même temps que de Charles X, ce qui est le cas de Jean d'Orléans, et dont l'aïeul Louis-Philippe a combattu à Valmy ? Un roi qui présiderait, comme seuls les rois savent le faire, les cérémonies du 14 juillet. Cela permettrait de refermer définitivement les blessures de la Révolution.

Je suis de ceux qui pensent que le fait de descendre du régicide donne au candidat orléaniste un surcroît de légitimité. Louis Capet enfin vengé !)



dimanche 5 novembre 2017

Nul ne préside mieux qu’un monarque. Il faut un Roi pour couronner la République. Vaticinations monarchistes.

Encore un commentaire laissé en dessous d'un article de M. Tandonnet :

Je ne vais pas recommencer avec ma lubie monarchique (ou plutôt si : tactique de la prétérition), mais vous me tendez une perche à nouveau. Il me semble que le Général de Gaulle était une exception dans l’histoire politique récente. Celui qui incarne le mieux cette idée d’un président au-dessus des partis, de la mêlée et du brouhaha n’était pas issu du « marigot ». Il n’avait pas fait ses classes dans le petit monde politique de la IIIe République, où il était apparu brièvement, peu avant l’invasion allemande. Sa légitimité, confirmée dans les urnes longtemps après, il l’a acquise ailleurs.
Inutile de rappeler (prétérition toujours) que la plupart des monarques européens battent les records de popularité des dirigeants européens pourtant démocratiquement élus. (Je n’ai pas vérifié cette affirmation mais elle me paraît une évidence.) Vous me direz que leurs sphères ne sont pas les mêmes : justement. Il me semble que la Ve République est une solution bâtarde, foncièrement inadaptée.
Nul ne préside mieux qu’un monarque.