Impressions de lecture sur L’Événement d’Annie Ernaux (2000). Le livre n’a lui-même pas de structure claire, mon compte-rendu se présente semblablement sous forme de notes éparses, prises au fur et à mesure.
Photo sur la couverture d’une actrice classiquement belle au visage inaffecté, sans rapport avec l’autrice, l’histoire.
Les mois qui ont suivi baignent dans une lumière de
limbes, p. 24. Comment ne pas voir une description du milieu utérin,
baigné d’une lumière vitreuse, opaque, ainsi que l’évocation malicieuse du
séjour des enfants morts sans baptême où échouent les enfants avortés selon la
théologie catholique.
Je sais maintenant que je suis décidée à aller jusqu’au
bout, quoi qu’il arrive, de la même façon que je l’étais, à vingt-trois ans,
quand j’ai déchiré le certificat de grossesse, p. 26. L’avortement génère
un enfantement littéraire.
Pour penser ma situation, je n'employais aucun des termes qui la désignent, ni « j'attends un enfant », ni « enceinte », encore moins « grossesse », voisin de « grotesque ». Ils contenaient l'acceptation d'un futur qui n'aurait pas lieu. Ce n'était pas la peine de nommer ce que j'avais décidé de faire disparaître, p. 30—1. Surtout, il est plus commode, pour ne pas penser à l’être humain qui gît en elle, d’être le plus vague possible, de flouter la réalité, de dénier au fruit de la conception sa qualité d’être humain, ce qu’il est indéniablement.
Dans l'agenda, j'écrivais : « ça »,
« cette chose-là », une seule fois « enceinte ». Dans
le livre, elle emploie une autre expression : « le malheur » :
cette femme (la faiseuse d’anges), la seule personne alors capable de
faire passer le malheur (p. 77). L’enfant à naître est assimilé à un
malheur.
Plus loin, elle le réifie en le comparant à un poupon : Cela a jailli comme une grenade, dans un éclaboussement d’eau qui s’est répandue jusqu’à la porte. J’ai vu un petit baigneur pendre de mon sexe au bout d’un cordon rougeâtre. Je n’avais pas imaginé avoir cela en moi (p. 100). On dirait une poupée indienne (p. 101). Devant moi flottait un petit baigneur blanc comme ce chien dont le cadavre jeté dans l’éther continue de suivre les astronautes dans un roman de Jules Verne (p. 117).
Elle s’animalise aussi : J’étais une bête (p. 101) ; j’avais mis bas moi aussi (p. 114).
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